Ma fille me connaît bien, et apprécie mon engagement écologique. En me prêtant Écotopia, le livre d'Ernest Callenbach paru en 1975, elle devait se douter que j'aurais envie d'en parler à mes lecteurs.
Je la remercie intensément de cette bonne idée. Car ce livre m'a mis du baume au cœur, et je pense qu'il peut nous faire du bien à tous.
Évidemment, face à l'ampleur de la catastrophe écologique en cours, il ne s'agit pas de se dorloter avec des sornettes. Je n'ai pas l'intention de vous endormir, bien au contraire. Car la lecture d'Écotopia m'a donné la mesure du chemin qu'il nous faut prendre, et c'est une vraie révolution. Une révolution qui doit d'abord se passer dans nos têtes.
Laissez-moi vous raconter ...
La côte Ouest des Etats-Unis a fait sécession !
C'est une idée fracassante : Écotopia, ce tout nouveau pays, est né de la sécession de trois États de la côte ouest des États-Unis : la Californie, l’Oregon et l’État de Washington.
Tous trois ont souhaité construire ensemble une société écologique.
William Weston est le 1er journaliste américain autorisé à pénétrer sur le territoire écotopien, 20 ans après la sécession, alors que les relations diplomatiques sont encore très tendues entre les deux pays. Il a notamment pour mission de réaliser un reportage en immersion durant un mois et demi, afin de décrire le mode de vie écologique de ses habitants.
Au départ, son a priori paraît sans appel : la population écotopienne a des coutumes « barbares, absurdes et irresponsables ». C'est ainsi qu'on imagine les écotopiens depuis les États-Unis.
La révolution des transports en Écotopia
William Weston décrit, dans son premier article, la révolution des transports en Écotopia.
Les voitures individuelles ont été interdites. Elles ont toutes été recyclées, pour récupérer et réutiliser le métal à d'autres fins utiles. Comme les voies de chemin de fer, qui se sont multipliées. Ainsi que les trains, qui passent partout et toutes les heures. Le voyage ferroviaire, gratuit, est devenu le mode de déplacement inter-cité privilégié.
La plupart des anciennes routes ont été réaménagées en pistes cyclables.
En ville, des espaces de convivialité ont récupéré la place laissée vacante par la circulation automobile. Seuls y roulent quelques véhicules électriques autorisés : taxis, fourgons de livraison, tramways.
L'excellente santé globale de la population est le bénéfice secondaire le plus évident de cette révolution des transports. Le vélo, mais surtout l'amélioration de la qualité de l'air, ont permis des progrès spectaculaires dans ce domaine.
Une économie du recyclage sur le modèle de la nature
Pour son second article, William Weston est reçu par le Ministre de l’agriculture. Conscient de l'importance déterminante de l'organisation du recyclage dans le fonctionnement global de la société écotopienne, le Ministre décrit au journaliste, de façon détaillée, les règles de cette véritable économie circulaire. Aucun objet, aucun matériau, ne peuvent être produit sans qu'il n'y soit associé un plan de recyclage de tous ses composants. Les produits doivent être de conception suffisamment simple pour être réparables par leurs propriétaires. Et surtout, ils doivent avoir une vraie utilité.
Les résultats les plus aboutis de cette philosophie apparaissent dans l'agriculture.
Les Écotopiens ont mis au point un système de retraitement complet de tous leurs déchets organiques. Avec cette matière première issue du recyclage, ils produisent un engrais écologique qui est parvenu à remplacer totalement les anciens engrais chimiques. La nourriture est donc 100 % biologique.
Les productions agricoles, devenues extensives plutôt qu’intensives, réclament davantage de main-d’œuvre, et de nombreux habitants se sont convertis à l’agriculture, ou au recyclage des déchets organiques.
La distribution s’est également simplifiée, avec des magasins plus petits. Une logistique de proximité assure l'approvisionnement en limitant le trafic routier des camions de livraison.
L'aménagement du territoire écotopien
Le troisième article de notre journaliste traite de l’aménagement du territoire écotopien. Les choix qui ont été réalisés sont audacieux et originaux.
Réparties sur l'ensemble du pays, de dynamiques « mini-villes » ont été bâties autour d’une usine ou d’un centre de production, où de nombreux habitants travaillent.
Les parkings étant devenus sans objet (puisqu'il n'y a plus de voitures individuelles), les urbanistes ont imaginé de nombreux espaces de convivialité autour de l’usine. Des restaurants, des espaces verts, des forêts, des bibliothèques, des petites boutiques ou des ateliers d'artisans, autant de lieux de vie qui animent le centre.
Les habitations sont intégrées dans ces espaces collectifs. Ce sont de petits immeubles construits en bois, disposés autour d’une cour centrale. L'idée du lieu de rencontre préside à la conception de ces quartiers. D'ailleurs, les appartements sont très vastes, afin d’encourager un mode de vie communautaire : 10 à 15 pièces, pour la plupart.
La gare est toujours à moins de 800 mètres de chaque habitation. Tous les centres urbains sont reliés entre eux par des trains, pour faciliter l' ouverture sur le pays entier. Cette infrastructure facilite les débouchés, autant que la mobilité des habitants.
Les écoles sont en périphérie de la ville, à proximité de forêts et de zones aquatiques. Comme les enfants apprennent beaucoup à l’extérieur, l'emplacement des écoles n'a pas été choisi par hasard. Il est idéal pour les activités de plein air et les sorties éducatives.
Une utopie source d'inspiration...
Je ne compte pas continuer cette description succincte de l’ensemble des articles de William Weston. Je pense que vous avez compris l’essentiel, évoqué dès le titre : il s’agit d’une utopie.
Je vous encourage cependant, pour vous qui êtes sensibles à l’écologie (peut-être solastalgique ?), à le lire en intégralité. Car ce livre fourmille de détails tous plus originaux les uns que les autres, pour former une description précise de ce que pourrait être une société écologique.
C’est un livre qui fait du bien.
Ce qui m’a frappée, à sa lecture, c’est que rien, ou presque, n’est inventé. Tout existe déjà. Écotopia est juste une façon différente d’organiser la société, sur la base d’éléments qui composent déjà la nôtre : des usines, des trains, des vélos, des écoles, des forêts et des lacs, des maisons, des restaurants, etc. L’auteur a pris ces éléments, et les a organisés de façon à ce qu’ils soient tous au service des membres de la société. Et non exploités à des fins de profit.
Évidemment, ça change tout. L’intensité des relations sociales remplace les besoins de consommation. La nature est prise pour modèle, et il est interdit de produire des déchets non valorisés. La pollution a presque disparu.
Un monde parfait ? Non, assurément. Mais un monde enviable, certainement.
Le spectre de la catastrophe écologique, en Écotopia, a été écarté (songeons que ce livre a été écrit il y a 45 ans…). C’est une bouffée d’oxygène, sous le règne des autruches qui dirigent notre monde.
Et vous : les utopies vous font-elles du bien ? Ou, au contraire, vous donnent-elles des regrets difficiles à vivre ?